Dans le récit de la création du peuple micmac, Glooscap fut la première personne créée, la tête couchée dans la direction du soleil levant, les pieds dans la direction du coucher de soleil et les bras en croix, l’un tendu vers le Sud, l’autre le Nord. C’est ainsi que Glooscap fut créé sur la surface de la Terre, son corps pointant dans les quatre directions. Il fut créé à même tous les éléments de la Terre : la poussière et les feuilles, les plantes, la pierre et le bois. Tout fut rassemblé pour créer Glooscap sur la surface de la Terre. Mais tout n’a pas commencé par Glooscap. Il apparut durant les sept étapes de la création, représentées par les sept directions sacrées. La première étape de la création apporta le Donneur de vie. Dans la compréhension micmaque du monde, le ciel ou la direction du haut symbolise la première étape de la création. Grand-Père Soleil est la deuxième étape de la création. Le soleil, ou la direction du centre, symbolise l’être. Notre mère, la Terre est la troisième étape de la création. La direction sous nos pieds la représente. Glooscap couché la tête à l’Est alors qu’il prend forme représente la quatrième étape de la création. À cette direction sont associés l’autorité et les oiseaux. Grand-Mère dans le Sud représente la cinquième étape de la création. Elle symbolise la sagesse et la connaissance, ainsi que la vie animale. Le jeune homme – le Neveu – et l’Ouest représentent la sixième étape de la création. Ils symbolisent la jeunesse, la vision, la force, les poissons et la vie marine. La Mère dans le Nord représente la septième étape de la création. Elle symbolise la compréhension, l’amour et les plantes. Voilà les sept directions sacrées qui représentent les sept étapes de la création.
LA PREMIERE ÉTAPE DE LA CRÉATION – LE DONNEUR DE VIE
Le Donneur de vie est la première action. Il est le mystère de la création qui existe tout autour, se présente sous forme de grands cercles et commande notre admiration. Nous l’apercevons dans les fleurs et les feuilles qui sortent au printemps pour s’épanouir sous le soleil, le vent et la pluie de l’été; dans le soleil qui gagne en puissance au fil des jours et l’eau qui se met à fuir; dans les plantes qui perdent leur vitalité à l’automne, meurent et viennent offrir leurs nutriments aux racines et à la terre pour créer de nouveau – la vie donnant la vie. Pris dans leur ensemble pour ne former qu’un, toute cette splendeur, ces cycles de vie et de mort contiennent le mystère de l’existence et font partie des merveilles de la création qui nous entoure.
LA DEUXIÈME ÉTAPE DE CRÉATION – GRAND-PÈRE SOLEIL
La deuxième étape de la création est le soleil que nous appelons Nisgam, ou grand-père. Grand-Père Soleil nous donne les ombres. Lorsque nous disons « ombre » en micmac, nous faisons référence aux esprits de nos ancêtres. Les ombres que Grand-Père Soleil nous offre sont les esprits de nos ancêtres.
LA TROISIÈME ÉTAPE DE LA CRÉATION – NOTRE MÈRE, LA TERRE
La troisième étape de la création, sous nos pieds, est notre mère, la Terre, que nous foulons et qui contient les esprits de nos ancêtres. Dans notre langue, la terre se nomme Oosgit et le dessus du tambour, s’applique aussi à la terre qui recouvre la surface de la Terre, la matière sur laquelle nous marchons et que nous partageons avec tous les êtres vivants. C’est pourquoi nous appelons notre mère, la Terre. Et quand je dis qu’elle est notre mère, j’utilise le mot Oogitjinoo. Ainsi, lorsque nous parlons du tambour, nous parlons de notre mère, la Terre. Lorsque nous entendons battre le tambour, nous entendons battre le cœur de notre mère, la Terre.
LA QUATRIÈME ÉTAPE DE LA CRÉATION – GLOOSCAP à l’EST
À la quatrième étape de la création, un éclair frappa la Terre et, sur sa surface, créa une personne à même les éléments – la poussière, les feuilles, les plumes, les os, la pierre et le bois. C’est ainsi qu’à la quatrième étape de la création apparut Glooscap, la tête couchée dans la direction du soleil levant, à l’Est, les pieds dans la direction du coucher de soleil et les bras en croix, l’un tendu vers le Sud, l’autre le Nord. Glooscap fut heureux d’avoir reçu la visite de l’aigle, et le regarda s’éloigner dans le ciel. Lorsqu’il prit son envol, l’oiseau laissa une plume flotter derrière lui dans l’air. Avant qu’elle ne touche le sol, Glooscap l’attrapa et leva les yeux au ciel. La plume d’aigle à la main, il se sentait très puissant. Depuis ce jour, la plume de l’aigle est un symbole de puissance liant notre peuple au Donneur de vie, à Grand-Père Soleil et à notre mère, la Terre.
LA CINQUIÈME ÉTAPE DE LA CRÉATION – Grand-Mère
Glooscap se mit à voyager et aperçut une veille femme assise sur une roche. Il s’approcha et lui demanda : « Qui êtes-vous? D’où venez-vous? » La veille femme le regarda et dit : « Tu ne me reconnais pas? Je suis ta grand-mère. Je dois mon existence à cette roche sur le sol. Grand-Mère enseigna donc le feu à Glooscap et sa relation avec notre survie. Ils vécurent ensemble et Grand-Mère lui transmis son savoir. Elle confectionna leurs vêtements et fabriqua leurs outils avec l’animal qu’avait rapporté Glooscap, et lui montra tout ce qu’il devait savoir sur la survie.
LA SIXIÈME ÉTAPE DE LA CRÉATION – LE NEVEU
Glooscap fut heureux que son neveu soit venu sur la Terre partager sa vie et offrir sa force et sa vision -- parce que les jeunes voient au-delà de nous; ils voient l'avenir et nous servent de guide afin que nous puissions partager notre survie avec les générations futures. Ayant compris cela, Glooscap et son neveu retournernèrent auprès de Grand-Mère. Et parce que le neveu devait son existence à l'océan, Glooscap fit appel aux poissons. Nous avons besoin de vous pour survivre. Il s'excusa d'avoir pris la vie et l'ombre des poissons. Et il s'excusa auprès de notre mère, la Terre, d'avoir pris de ses éléments pour assurer sa propre subsistance et celle de Grand-Mère et de son neveu. Grand-Mère prépara un festin de poisson pour célébrer l'arrivée du jeune homme, le neveu de Glooscap. Ils mangèrent et partagèrent leur vie, et Grand-Mère continua à leur apprendre tout ce qu'il y avait à savoir sur le monde et les moyens de survie sur la terre.
LA SEPTIÈME ÉTAPE DE LA CRÉATION – LA MÈRE
Un jour, Glooscap était seul près du feu qu'il venait d'alimenter. Une femme apparut et vint s'asseoir à ses côtés. Il la regarda et répondit : «Qui es-tu? Tôt ce matin, j'étais une feuille qui se détacha de son arbre et tomba par terre. La rosée se forma sur la feuille et là, avec l'aide du Donneur de vie, de Grand-Père Soleil et de notre mère, la Terre, je reçus le corps d'une jeune femme. J'apporte les couleurs du monde : le bleu du ciel, le jaune du soleil, le vert de l'herbe, des arbres et des feuilles, le rouge de la terre, le noir de la nuit et le blanc de la neige. Et j'apporte la compréhension et l'amour, pour que mes enfants apprennent à prendre soin les uns des autres, à compter les uns sur les autres et à s'aimer les uns les autres. Glooscap fut heureux qu'elle soit venue lui apprendre comment aimer, comprendre et partager, lui enseigner que nous comptons tous les uns sur les autres pour survivre.
LES ORIGINES DE LA NATION ET DES CLANS MICMACS
Un jour, l’aigle revint rendre visite à Glooscap. Il expliqua à Glooscap que sa Grand-Mère et lui devaient quitter ce monde pour se rendre à l’Ouest et au Nord. Ils devaient traverser dans le monde spirituel et y rester jusqu’à ce que le peuple micmac soit menacé d’extinction et ait besoin de leur aide.
L’aigle dit également à Glooscap que sa mère et son neveu devaient prendre soin du Feu du Grand-Esprit. Il ajouta : « De ce feu jaillira une étincelle qui, en frappant le sol, fera naître une femme. Une autre étincelle jaillira et une autre femme sera créée, et puis une autre, jusqu’à ce qu’il y ait sept femmes. Puis, d’autres étincelles jailliront au fil du temps et sept hommes seront créés. Ensemble, ces sept hommes et sept femmes formeront sept familles. » Le peuple micmac est l’une des sept familles issues des étincelles.
L’aigle expliqua à Glooscap qu’après un certain temps, une fois que les sept familles auront appris les enseignements, ils quitteront la région du grand feu et se disperseront. Le peuple micmac se retrouva dans les Maritimes. Et afin de ne pas oublier la signification et le sens des sept étapes de la création, nous nous sommes séparés en sept clans, ou maouiomis. Pendant des milliers d’années, les chefs traditionnels de ces maouiomis ont conservé le savoir et l’histoire de ces sept territoires, ces sept Chibouktous, ou Feux sacrés.
RITUEL MICMAC DU SOUVENIR DE LA CR ÉATION
Donc, une fois sept hivers passés, les sept clans revinrent avec leurs sept feux raviver le feu original, qui représente les quatre premières étapes de la création – pour honorer le Donneur de vie, Grand-Père Soleil, notre mère, la Terre, et Glooscap, et pour se rappeler l’éclair et les étincelles qui leur avaient donné la vie et avaient créé le Feu du Grand-Esprit. Les sept clans placèrent sept pierres dans le feu pour représenter les sept premières étapes de la création, et sept pierres supplémentaires pour les sept familles originales issues de la première étincelle. Ils y placèrent sept autres pierres pour les clans de chacune de ces sept familles. Ensuite, ils rassemblèrent leurs remèdes, leurs plantes médicinales, leurs racines et leurs feuilles, et sept pierres de plus pour représenter les sept grands remèdes que ces familles apportaient. En tout, ils avaient jeté 28 pierres au feu.
Notre suerie est formée de sept jeunes arbres recourbés et sa porte est orientée vers l’Est. Les sept chefs héréditaires pénètrent dans la hutte, le ventre de notre mère, la Terre, et demandent au peuple de couvrir la hutte de sept peaux d’animal. Et les chefs demandent ensuite que soient apportées les sept premières pierres, qui représentent la Grand-Mère. Nous fermons alors la porte puis versons de l’eau sur ces pierres pour nous rappeler comment Grand-Mère fut créée à même la pierre quand la rosée s’y forma et fut chauffée par Grand-Père Soleil – comment elle est née de l’union de la lumière et de la chaleur – le feu et l’eau convergeant sur la pierre. La vapeur purifie nos corps et notre sueur retournerne à notre mère, nous liant à la création, à nos ombres. Les portes s’ouvrent alors et nous chantons nos chants et partageons le calumet et le foin d’odeur. Puis nous demandons une fois, deux fois, trois fois que soient apportées sept autres pierres, et faisons offrande à chacun des points cardinaux et à tout ce qu’ils nous ont donné : les enseignements de la Grand-Mère et des aînés, le neveu et nos mères. Et lorsque la porte s’ouvre, tout le monde fait le tour du cercle et ressort, comme des enfants qui entrent dans le monde.C’est ainsi que nous rendons honneur aux sept étapes de la création et aux sept directions sacrées dans nos cérémonies : celles de la suerie, du foin d’odeur qui honore le neveu, de l’offrande du tabac qui rappelle la création de la Mère à partir d’une feuille et du calumet qui symbolise les enseignements de la Grand-Mère et de la Mère en joignant ensemble la pierre et la plante, le fourneau de pipe en pierre et le tuyau en bois.
La fumée du foin d’odeur et du calumet transporte les mots et les prières de tous ceux que nous invitons dans notre cercle de cérémonie. Nous offrons cette fumée et ces prières aux sept directions. Nous levons les yeux au ciel pour remercier le Donneur de vie de nous avoir donné la vie. Nous nous tournons vers l’intérieur pour remercier Grand-Père Soleil de nous avoir donné notre ombre. Nous nous tournons vers notre mère, la Terre, et la remercions d’avoir donné d’elle-même pour nous créer. Nous nous tournons vers l’Est pour remercier Glooscap de son autorité et pour nous rappeler l’aigle et l’oiseau. Nous nous tournons vers le Sud, vers Grand-Mère, née de la pierre, et nous nous rappelons ses dons de la sagesse et les animaux. Nous nous rappelons le neveu, qui est allé vers l’Ouest – avec en lui le don de la force et le regard des ancêtres tourné vers l’avenir – et apporta le poisson. Nous nous tournons vers le Nord, où la Mère est née de la feuille d’un arbre, symbole des plantes, des couleurs et des enseignements de l’amour et des façons de prendre soin les uns des autres.
Source extrait : Stephen Augustine
Pour mes soeurs et frères Micmac
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